Ode à mon optimisme

Je vis ici sans espoir d’en partir.

Et pourtant, il y a trois ans, je vivais ailleurs.

Je vivais dans un endroit joyeux, lumineux, plein de vie et de couleurs. J’adorais l’odeur de l’endroit d’avant. Ca sentait bon la légèreté, l’insouciance, le bonheur.

Et maintenant, je suis là, bloquée entre ces murs qui m’enferment. Je voudrais crier, abattre ces murs, revoir le ciel bleu et la mer à l’horizon, revivre comme avant.

L’homme qui a tout bouleversé peut se résumer en 3 lettres : JMJ. Il s’appelle Jean-Marc. Jean-Marc Jancovici.

Il y a 3 ans, alors que ma fille (qui avait 5 mois à l’époque) dormait à poings fermés, un dimanche soir, mon mari eut la bonne idée de me montrer une vidéo de cet individu, ce fauteur de troubles, ce chambouleur de vie.

Avant ce fameux soir, tout allait très bien. Certes j’étais parfois inquiète qu’il arrive quelque chose de grave à ma fille, j’appréhendais ses futures crises d’adolescence ou encore la fois où elle viendrait me dire “maman, y a des filles qui m’embêtent tous les jours à l’école”. Mais hormis ça, tout allait bien.

Et voilà que ce fameux “Janco” comme on l’appelle vient me parler par conférence interposée (que dis-je, me saisit par le col et ne me lâche pas une seule seconde) de réchauffement climatique, de courbes exponentielles qui ne vont pas du tout dans le bon sens, de migrants climatiques qui viendront par millions d’ici quelques années (et comment le leur reprocher).

Durant 2h15, je ne parviens pas à cligner des yeux tellement le choc est rude. Ces yeux, je peinerai également à les fermer dans les heures qui suivent. Ils trouveront enfin le sommeil sous les coups de 4h du matin, quand la fatigue aura (enfin) pris le dessus.

A partir de ce jour-là précisément, je ne serai plus jamais la même. Il y aura un avant et un après. Le lendemain, je m’empresse alors de raconter à mes collègues ce que j’ai entendu durant cette conférence. Certains semblent vaguement comprendre, quand d’autres se contentent d’un “ah ouais j’avoue, c’est pas cool”.

Mais comment ces gens peuvent-ils ne pas réagir comme je l’ai fait hier ? En paniquant quoi. Et en même temps la mémoire me revient vite : 24h plus tôt, j’étais exactement comme eux, légère, confiante et insouciante.

Alors que faire de ces quatre murs ? Comment ne pas perdre cet optimisme qui était chez moi légendaire et qui semble sur le point de me quitter ? Et bien, je le rappelle cet optimisme. Je décide de lui parler en tête à tête et ça donne à peu près ça :

Moi : t’es bien mignon mon vieux, mais là je sens que t’es en train de te faire la malle, tu vas revenir de suite et on va voir ensemble ce qu’on peut faire de tout ça.

Mon optimisme : non mais on a bien entendu la même chose tous les deux ? Comment tu veux que je reste ici avec toutes ces infos ? Non moi je me casse, j’ai plus rien à faire ici.

Moi : hop hop hop, deux secondes mon pote, je te jure que jamais de la vie tu t’en vas comme ça ! On va discuter ensemble, réfléchir à des solutions et on va rester amis pour la vie.

Mon optimisme n’a pas franchement eu le choix, il a décidé de rester. Et on a commencé à réfléchir ensemble.

D’abord, on s’est dit une chose. Toutes les émotions que je ressens depuis ce jour ne doivent pas être vaines et m’envoient certainement plusieurs messages importants :

  • Je tiens à ma vie (évident, mais je ne m’étais jamais dit ça auparavant)
  • J’ai plusieurs besoins qui sont un peu en danger (mon besoin de sécurité, de confort, de projection, d’espoir, d’optimisme) mais on va voir comment les nourrir différemment
  • Je me retrouve dans un moment de l’Histoire où il est peut-être temps de me retrousser les manches au lieu de me laisser porter, et de faire de mes émotions des alliées pour changer les choses à mon échelle

Ensuite, on s’est dit que pour rester en de bons termes lui et moi, ça nous aiderait de faire un peu de tri et de distinguer :

  • Les choses qui vont rester (si on prend le temps de s’en occuper) : après tout, quelles que soient les crises qu’on va être amené·es à vivre, certaines choses pourront toujours être cultivées : l’amour, l’amitié, l’humour, l’art, le générosité, la relation à soi, la liberté de pensée ou encore le sexe.
  • Les choses qui vont changer : pour ces choses-là, un seul moyen de ne pas sombrer, il faut s’attacher à autre chose (pour éviter d’être dans la résistance et de vivre ces transformations dans la douleur). Pour cela, on créé de nouveaux imaginaires. Il faut rêver, créer de nouvelles utopies, rendre la sobriété sexy et enviable, inventer de nouveaux modèles pour construire un monde désirable et compatible avec les limites planétaires (il en va juste de la survie de notre espèce…)

Comme il commençait à reprendre des forces, mon optimisme m’a fait remarquer que ce choc allait sans doute m’aider à travailler sur un autre aspect : améliorer mes relations. Et quand je parle de relations, je veux parler de celles qu’on a avec nos proches (oui oui, même ceux qui ne nous comprennent pas du tout et avec qui on s’engueule régulièrement sur des sujets pour lesquels on ne se sentait même pas concerné·es trois ans auparavant).

Mais je parle aussi de nos relations avec ces inconnus qui ne sont que des “proches qu’on ne connait pas encore” (Mitch Albom). Car la résilience sera avant tout collective. Nous aurons beau être résilients, tout·es seul·es, nous n’y arriverons pas. Alors, musclons nos compétences de solidarité, d’altruisme et d’empathie pour cette armée d’entraide.

Et enfin, grâce à ce choc, je décide de me mettre en action. L’avenir de ma fille est en jeu ? Pas de souci, je pars au combat pour elle. Toutes mes actions, décisions et changements seront dictés par cet indispensable combat pour l’avenir de ma fille.

Donc oui. Je vis ici sans espoir d’en partir. Mais je le dis au sens où je ne veux plus quitter ce monde. Ce monde un peu moins rose certes, mais tellement plus vrai, plus réel, plus profond. Ce monde qui m’incite à être une meilleure personne tous les jours, ce monde qui me donne un rôle essentiel dans l’Histoire.

Alors oui. Je garde ces quatre murs, que je vais colorier en bleu, comme le ciel que je retrouverai pour de vrai dans un avenir meilleur que j’aurai contribué à construire.

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